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19 septembre 2023 Retour à la liste

En droit des contrats, peut-on se faire justice à soi-même ?

« Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle‑ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave » (article 1219 du Code civil).

Est ainsi posée une condition de gravité.

Tel est le cas du locataire, qui peut s’abstenir de tout paiement du loyer s’il est dans l’impossibilité totale de jouir des locaux loués (Cass. 3ème civ. 21 novembre 1990, n°89-16.189).

Très récemment, la jurisprudence a considéré que le locataire qui invoquait l’exception d’inexécution devait démontrer que les infiltrations qu’il alléguait rendaient les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient destinés (Cass. 3ème civ. 6 juillet 2023, n°22-15.923).

L’exception d’inexécution est donc palliative, mais elle peut aussi être préventive.

En effet, « une partie peut suspendre l'exécution de son obligation, dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais » (article 1220 du même code).

L’existence d’une inexécution avérée n’est pas essentielle. L’inexécution est seulement crainte.

Selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, il s’agit « d’une faculté de suspension par anticipation de sa prestation par le créancier » dont le but est de « limiter le préjudice résultant d’une inexécution contractuelle » et qui « constitue un moyen de pression efficace pour inciter le débiteur à s’exécuter ».

Là encore est posée une condition de gravité, mais également une condition relative à une certaine évidence, ainsi qu’une obligation de notifier dans les meilleurs délais à l’autre partie. 

L’exception d’inexécution est ainsi une réaction provisoire du créancier qui suspend son obligation, sans présager de toute autre sanction ultérieure (exécution forcée, réduction du prix, ou résolution du contrat).

Enfin, elle exclut toute notion de faute puisque cette notion n’a d’intérêt que s’agissant de la réparation du préjudice et de la fixation des dommages et intérêts.

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