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24 janvier 2022 Retour à la liste

Sous quelles conditions peut-on changer de projet après avoir usé de son droit de préemption ?

    Le droit de préemption urbain est une faculté accordée aux personnes publiques et est strictement encadré par le Code de l’urbanisme.

    Pour pouvoir utiliser son droit de préemption urbain, la commune devra être dotée d’un PLU ou de tout autre document similaire (POS, plan de sauvegarde et de mise en valeur, carte communale, etc.) selon l’article L211-1 du Code de l’urbanisme.

    Concrètement, lorsqu’une collectivité va souhaiter utiliser son droit de préemption, elle devra motiver sa décision en mentionnant l’objet pour lequel ce droit est exercé (L210-1 C. Urb.). L’objet dans le cadre duquel ce droit pourra être exercé, est précisé par le code et est limité à certains domaines. Il pourra être mis en œuvre lorsqu’il s’agira de réaliser, selon la poursuite d’un intérêt général, les actions ou opérations répondant aux objectifs généraux de l’aménagement que définit l’article L300-1 du Code de l’urbanisme. Une exception persiste toutefois, concernant la sauvegarde ou la mise en valeur des espaces naturels. Par conséquent, l’article L300-1 sera la pierre angulaire de l’exercice du droit de préemption, puisqu’il va préciser quelles sont les opérations d’aménagement concernées. Ainsi, le droit de préemption pourra être utilisé pour mettre en œuvre un projet urbain[1], une politique de l’habitat, pour organiser le maintien, l’extension ou l’accueil d’activités économiques, pour réaliser des équipements collectifs, favoriser le développement du tourisme, lutter contre l’insalubrité, permettre le renouvellement urbain ou encore réaliser des locaux de rechercher ou d’enseignement supérieur.

     Toutefois, l’appréciation que peut faire le juge quant à l’exercice de ce droit de préemption dans le cadre de la politique de l’habitat et quant aux HLM, se fera eu égard à son ampleur et à sa consistance. Le Conseil d’Etat va considérer à ce propos, que l’exercice du droit de préemption est justifié concernant un projet de construction de trente-cinq logements sociaux, en considérant que « le caractère d'une action ou d'une opération d'aménagement, a par nature pour objet la mise en œuvre d'une politique locale de l'habitat[2] ». Par conséquent, l’appréciation de la motivation du droit de préemption strictement ou largement, dépendra de l’interprétation que retiendra le juge administratif de l’article L300-1. Cependant, ce n’est pas parce que l’objet visé est relatif aux HLM que cela suffit à justifier l’exercice du droit de préemption urbain. En effet, le simple fait d’évoquer la réalisation de logement sociaux dans la lettre de la délégation du droit de préemption, ne suffit pas à caractériser l’existence d’un projet défini[3] (CAA Paris, 1re ch., 5 juill. 2007, n° 07PA00711).

    Cependant, l’objet dans le cadre duquel le droit de préemption a été utilisé peut ne plus être d’actualité postérieurement à l’utilisation du droit de préemption. Il s’agit donc ici de l’hypothèse selon laquelle la collectivité est propriétaire d’un bien, du fait de l’exercice du droit précédemment mentionné. Toutefois, pour pouvoir procéder à un nouveau projet autour de ce bien, la collectivité devra entrer dans le cadre de l’article L300-1 du Code de l’urbanisme afin d’accorder une nouvelle base légale à l’exercice ayant été fait du droit de préemption. Si la collectivité ne parvient pas à faire entrer le nouveau projet sur le bien aliéné, dans le cadre prévu à l’article L300-1, elle sera dans l’obligation d’informer les anciens propriétaires du nouveau projet envisagé et leur proposer l’acquisition prioritaire du bien ayant fait l’objet de la préemption, pour tout bien acquis dans les moins de cinq ans (L213-11 C. urb). Le cas échéant, la collectivité s’exposera à un risque de contentieux et privera le nouveau projet de base légale.


[1] Fiches d'orientation, Droit de préemption urbain - Septembre 2020

[2] Conseil d'État, 1ère / 6ème SSR, 02/11/2015, 374957

[3] Dictionnaire permanent, Construction et urbanisme, Droits de préemption, Sous-section 2 : Objectifs de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme

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